Stéphane passait souvent devant cette ancienne bâtisse provençale des années 1900 aux pierres grises et volets clos, qui demeurait abandonnée. Quel injuste destin pour ces murs où résonnaient au siècle dernier, les rires des fillettes en bottillons, et où le parfum des goûters embaumait la cour de récréation animée.
Pourtant Mr le maire lui-même était enthousiasmé par la saveur de ce petit pot de confiture. Comment expliquer qu’aucune des marmelades de Judith Gifford n’ait trouvé preneur sur le marché artisanal de Campagne-les-Hesdin ? Judy s’interroge mais ne s’avoue pas vaincue.
Dans son langage, les idées sont des couleurs, les phrases deviennent des formes et sa plume raconte des histoires sans jamais écrire un mot. L’homme n’a pas vu naître sa passion de peintre, et pourtant elle existe et elle grandit à travers des rencontres, au hasard d’un voyage ou dans un acte manqué.
Photographe amateur puis confirmé, il étudie et pratique la prise de vue jusqu’à ce que son père ne parvienne plus à dissimuler son secret espoir : voir son fils reprendre l’affaire familiale de décoration. Il fait donc ses armes à Bordeaux dans son premier magasin des arts décoratifs. Mais une enfance épanouie entre grands hôtels et restaurants étoilés a eu raison de ses convictions professionnelles.
Résistance, abnégation, sérieux. A vrai dire, ce ne sont pas les premiers mots qui nous viennent à la bouche face à ce filet de bar grillé et son risotto de fenouil confit. Pourtant, devenir chef s’apparente souvent à un parcours du combattant.
Au cours de cette rencontre, les émotions se bousculent. Je suis l’enfant assise à la table familiale, je découvre soudain un potager aromatique tandis que des assiettes aux couleurs acidulées dansent sous mes yeux. Le chef cuisinier qui me raconte à ce moment-là l’histoire de son métier, réinvente son art et me transporte.